Bons et mauvais coups en direct d’Ottawa
Yan Plante est vice-président de l’agence de relations publiques TACT. Il est un ex-stratège conservateur ayant conseillé l’ancien premier ministre Stephen Harper lors de trois élections. Comptant près de 15 ans d’expérience en politique, il a également été chef de cabinet de l’ex-ministre Denis Lebel.
L’année qui s’achève a débuté de manière plutôt raide — et bruyante — à Ottawa, avec l’arrivée d’un convoi de camionneurs venus manifester contre les mesures sanitaires ou encore en faveur de l’anarchie et du renversement du gouvernement par la force.
Ces grands coups de klaxon auront été le point de départ d’une crise qui a marqué l’année politique fédérale comme aucune autre. Des policiers mal préparés, des gouvernements restés spectateurs, des politiciens campés aux deux pôles… Il s’agit d’un beau fiasco et d’une gestion de crise qui mérite sans conteste le prix citron de 2022.
Mais il n’y a pas eu que du mauvais dans les 12 derniers mois sur la colline du Parlement ! Voici ce qu’on en retient — en commençant par quelques médailles.
De bons coups…
Le Parti conservateur du Canada a recruté plus de 600 000 membres lors de sa course à la chefferie qui a mené à la victoire écrasante de Pierre Poilievre sur Jean Charest. Aucune formation politique dans l’histoire du pays n’avait réussi à s’approcher de ce record d’adhésions. Cela offrira aux conservateurs une base importante de militants, de donateurs, de bénévoles et de candidats pour les prochaines élections.
Le 12 décembre, le premier ministre était soumis à un test majeur. Il devait remporter l’élection partielle dans Mississauga–Lakeshore, en Ontario. Il s’agit d’une circonscription libérale, mais qui a déjà été gagnée par les conservateurs de Stephen Harper lorsqu’ils ont formé un gouvernement majoritaire en 2011… ce qui revient à dire qu’il s’agit d’une circonscription clé pour qui espère prendre le pouvoir. Or, en remportant facilement ce premier duel face à Pierre Poilievre, Justin Trudeau a envoyé le signal qu’il demeurait compétitif… et qu’il pourrait bien signer une nouvelle victoire aux prochaines élections générales. À tout le moins, la partielle dans Mississauga–Lakeshore a montré que l’effet Pierre Poilievre reste à prouver.
Un chef d’entreprise m’a récemment demandé si le ministre Champagne était le seul à croire à l’économie dans le gouvernement Trudeau… Cette question paraît sévère pour le reste du Conseil des ministres, mais elle reflète surtout une perception assez généralisée du dévouement dont fait preuve le ministre originaire de Shawinigan à l’égard de l’économie canadienne. Cette année, il a notamment lancé une révision de la Loi sur la concurrence et il a banni Huawei du système 5G au Canada : c’est l’employé de l’année du gouvernement de Justin Trudeau.
Bravo à Yves-François Blanchet, qui s’est élevé au-dessus de la mêlée en montrant du doigt le fait que les libéraux et les conservateurs ont « joué à polariser » la question du contrôle des armes à feu. Le chef du Bloc québécois plaide pour un débat modéré et il a raison de le faire.
La ministre Pascale St-Onge, à l’origine d’une grande réforme de la culture et de la gouvernance du sport amateur au Canada
L’exécrable gestion des scandales de nature sexuelle à Hockey Canada a choqué tout le pays. Cette crise a permis à la population de découvrir la nouvelle ministre des Sports, qui était syndicaliste jusqu’à son élection en 2021. D’autres cas de comportements abusifs dans plusieurs fédérations sportives un peu partout au Canada ont été médiatisés. La députée de Brome–Missisquoi s’est lancée dans un grand chantier pour assurer un meilleur traitement des plaintes des victimes et une meilleure gouvernance des organisations.
… et de moins bons coups
En mars, Jagmeet Singh et Justin Trudeau se sont juré fidélité pour le meilleur et pour le pire, jusqu’à ce que la mort de cette 44e législature les sépare en 2025. Depuis, le chef néo-démocrate ne rate pas une occasion de menacer les libéraux de divorcer. Connaissez-vous beaucoup d’unions saines qui durent longtemps sous la menace ? Cette entente est stratégiquement mauvaise pour le NPD, qui n’aurait jamais dû mordre à l’hameçon rouge. Je vous prédis que les prochaines élections auront lieu bien avant 2025 et que Justin Trudeau choisira le moment opportun.
Il est fréquent, dans la capitale du Canada, que les différentes ambassades invitent des ministres, des députés, des fonctionnaires et des conseillers politiques à venir célébrer des moments importants, comme la fête nationale de leur pays. Cette année, l’ambassade de Russie a convié des représentants du gouvernement fédéral à venir lever leur verre pour la Journée de la Russie, qui souligne la souveraineté de ce pays, presque quatre mois après l’invasion de l’Ukraine par les armées de Poutine. Alors que le gouvernement Trudeau était de toutes les tribunes pour dénoncer l’agression russe en Ukraine et qu’il annonçait des sanctions économiques contre Moscou, des hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères ont tout de même jugé bon d’aller festoyer à l’ambassade de Russie à Ottawa. Le gouvernement a été sur la défensive pendant quelques jours. La ministre Joly, portant la responsabilité du geste, a dit que « ça n’aurait jamais dû arriver et que ça n’[arriverait] plus ». Au bout du compte, lorsque les actions d’un gouvernement sont incohérentes avec son message, sa crédibilité diminue.
Jagmeet Singh s’est levé à la Chambre des communes récemment et a commencé son intervention ainsi : « Quand je serai premier ministre, je vais respecter mes promesses… » Plusieurs députés se sont mis à rire à gorge déployée, parce qu’ils ne croient pas que monsieur Singh deviendra premier ministre un jour. Dans une cour d’école ou dans n’importe quel autre milieu de travail, ce type de comportement intimidant serait fortement dénoncé. Chers élus, nous attendons mieux de vous. Quel genre de message envoyez-vous aux enfants et même aux adultes qui vous regardent ?
Parlant d’intimidation, un des mauvais coups de l’année est certainement les appels automatisés des conservateurs dans la circonscription du député Alain Rayes pour inciter les gens à demander sa démission. Visiblement revanchards à l’endroit du député de Richmond–Arthabaska, qui a décidé de quitter leur caucus à la suite de l’élection de Pierre Poilievre, les conservateurs ont utilisé une tactique tout simplement dégueulasse. Heureusement, les députés du Québec ont mis le poing sur la table et la pratique a cessé. Mais le mal était fait.
L’année 2022 aura également été celle du retour raté de Jean Charest en politique fédérale. La candidature de l’ancien premier ministre québécois à des élections générales aurait donné de bonnes chances de victoire au Parti conservateur du Canada, mais une course à la chefferie est une autre histoire. Dès le départ, peu de scénarios accordaient à celui qui a aussi été ministre fédéral conservateur sous Brian Mulroney et brièvement chef du Parti progressiste-conservateur une chance de gagner au sein du Parti conservateur d’aujourd’hui. L’ampleur de sa défaite a été malaisante. Pierre Poilievre a ainsi obtenu 71 % des votes tout en l’emportant dans 330 des 338 circonscriptions au pays… Même au Québec, où l’équipe Charest croyait gagner facilement, Pierre Poilievre a remporté 72 des 78 circonscriptions. Ce n’était même pas proche, comme on dit par chez nous.